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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

oiseau, j’avais flairé l’horrible crainte et la répulsion que lui inspirait ma personne. Il me donnait honte, comprends-tu ? Ce jour-là, mon enfant, j’ai jugé la chasse. Et, de ma vie, » concluait-il en secouant la tête, « je n’ai plus tiré une cartouche. »

Le rapprochement qui se faisait dans l’esprit d’Hélène entre le sort de son beau-fils et cette anecdote était arbitraire, enfantin, surprenait chez une femme aussi réfléchie, mais suffisait à lui fournir de sérieux scrupules. Sans encore se résoudre à plus d’indulgence, elle redoutait d’avoir tenu le rôle d’une marâtre, avec le sens péjoratif qu’elle prêtait au mot. Plus elle cherchait à dissiper cette appréhension, plus elle s’y trouvait confirmée. Des gentillesses, de bonnes paroles, des sourires aimables, des tentatives qu’elle esquissa, durant cette période, pour remettre Marc en confiance, loin d’obtenir le résultat qu’elle en espérait, aboutirent à l’échec le plus humiliant. Un matin, elle pensa : « Mais il me déteste ! » Comme elle souhaitait avant toute chose d’être respectée, elle voulut s’assurer qu’il importait peu, qu’entre elle et Marc, si les rapports demeuraient corrects et si les principes restaient saufs, l’affection n’était pas un lien nécessaire. « C’est pour lui, non pour moi, » se répétait-elle, « que je me suis donné la tâche de sa formation. Le principal est que j’en fasse un homme accompli. Son ingratitude, je m’en moque ! » Cependant, au milieu de l’indifférence qu’elle s’appliquait à cultiver par ce raisonnement, tous les jours plus aigu, tous les jours plus net, se glissait un malaise qui la rendait