Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome2.djvu/28

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misérables temps, pour la consolation de tant de desolations, vous conservera et fera prosperer de plus en plus, nonobstant toutes les menées, pratiques et entreprinses de nos ennemys, contre lesquels j’estimerois ma vie plus heureuse, quand elle sera employée pour vostre service et honnorée de vos commandemens, n’estoit que je ne puis recevoir cest heur que par vostre malheur, duquel je prye Dieu vous preserver et vostre estat, comme il a fait jusqu’à present. Mais aussi est-il temps, Madame, que vous que Dieu a logée en un port asseuré, pour adresser ceux que la tempeste agite en pleine mer, vous ressouveniez que, comme il vous a donné la paix pour le secours des oppressés, aussy ceste oppression seroit un preparatif des troubles de vostre Estat, si par vostre prudence il n’y estoit remedié. Quelle gloire, au reste, ce nous sera d’avoir rompu les desseings de ceux qui se rendent formidables à toute la chrestienté, et qui s’en sont tellement proposé la ruyne, qu’ils pensent n’en estre pas loin ! Desjà vous avez fait cognoistre vostre vertu et grandeur, en la bonté dont vous avez usé envers nos voisins, et particulierement vers l’electeur de Cologne, qui a entrepris une cause tres importante à toute la chrestienté, et en laquelle il merite d’estre secouru.

Je vous supplie, Madame, de continuer en cela et parachever un si bon œuvre, et digne d’une si tres excellente Royne, laquelle ne peut estre liberale de secours en cest endroict, qu’elle n’oblige à soy tous ceux qui aiment le bien et qui ont ressentiment de la vraye religion et pieté, oultre ce que par ce moyen vous occuperez et tiendrez au loin nos ennemys ; ce que je vouldrois avoir moyen, Madame, pour le comble de mes desirs, de vous pouvoir representer de bouche, et, par mesme moyen, vous baiser les mains pour vous remercier de tant de bonne, volonté qu’il vous plaist me demonstrer, et voir de mes yeux la princesse du monde que plus j’honore, aime, estime et admire par dessus toutes. Cependant j’en porteray la memoire engravée dans mon ame, et n’auray rien plus au cœur en toutes mes actions que de me rendre digne de vostre bonne grace, que je tiens si chere et precieuse, que je ne desire rien tant que d’y estre entretenu pour