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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

entente simple et franche, si rare d’ailleurs chez la femme d’une certaine classe, qu’elle pourrait encore être honnête et ne la point posséder. Elle n’a point de voile, ou porte un tissu diaphane, fait plutôt pour l’embellir que pour la cacher ; elle marche lentement, et ses yeux sont deux rayons qui constamment répandent leur chaleur sur la foule. Point de désinvolture dans la marche, ne vous y trompez pas, cela est bon pour la grisette, il faut singer la femme d’un autre monde, pour séduire quelque adolescent millionnaire ; un regard fier, dédaigneux, quelque chose de superbe, comme Rachel dans Cléopâtre ; une figure fine, des bras peu voilés, une méthode à elle de soulever le bord de sa robe, une méthode non moins à elle de montrer sa main, quand elle l’a belle, son pied, quand elle l’a petit.

La lorette, la vraie, n’accoste personne ; elle ne se laisse même accoster par personne, elle se laisse suivre. Tôt ou tard on lui parle, mais tard, quand elle ne vous connaît pas. D’ailleurs bonne fille. Il y a des gens qui se prétendent excellents chasseurs de femmes, et ne savent pas qu’en vous disant cela ils nous prouvent qu’ils sont dupes constantes, le meilleur lévrier qu’il y ait eu depuis le grand chien de Nemrod étant sans contredit la femme.

La lorette est parfois seule, souvent accompagnée d’une femme de chambre. On en a vu qui louaient de petits collégiens, les fils de leur concierge ; elles les payaient tant par heure ou par course, mais la lorette ne se permet guère ce luxe que lorsqu’il est question de se promener au bois, en voiture découverte ; ce qui suppose un assez joyeux hallali.

Tout le monde sait ce que signifie ce terme de chasse : sonner l’hallali, en argot parisien, c’est pour la lorette avoir l’excellente fortune de devenir, pour un laps de temps plus ou moins long, la compagne d’un homme sérieux. Un homme