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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

rais pu lui répondre que celui-là serait bien fin, qui s’aviserait de traiter un sujet dont personne n’eût jamais eu l’idée, et que, s’il se proposait de parler autrement que tout le monde, il risquait fort de rester muet ; mais, ayant mûrement réfléchi, je ne lui répondis rien.

Dernièrement, en effet, il s’éleva une singulière polémique dans les colonnes du Figaro. Je ne sais plus qui avait, au nom de la littérature universitaire, attaqué avec violence et traité avec un certain mépris les écrivains de la bohème. Alphonse Duchesne répondit vertement, et peu s’en fallut qu’on ne vît renaître en 1859, et sous d’autres étendards, les éternelles querelles des romantiques et des classiques de 1830. Malheureusement, ou heureusement, le temps n’est plus à ces vastes préoccupations de la forme, et la dispute tomba bientôt faute d’aliment ou de lecteurs.

À notre avis, si les gens consciencieux devaient opter entre le pédantisme professoral et la trivialité bohémienne, le choix serait embarrassant. Plus qu’en aucune autre matière il convient de répéter ici l’immortel axiome : In medio stat virtus. Entre l’ennui et le dégoût se trouvent le spirituel et le bon. Comme l’a si bien dit Victor Hugo, prenons le beau où il se trouve, et ne nous inquiétons point de son origine ; la caste et les écoles ont de tout temps immolé la vérité sur l’autel de la sottise. Laissons nos maîtres de rhétorique paraphraser Virgile ou copier Voltaire ; reconnaissons-leur quelque agrément dans le style, et, tournant les yeux et la face, contemplons hardiment les monstrueuses innovations, les audacieux paradoxes de la jeunesse, statues ébauchées par un ciseau : grossier, mais où l’œil d’un artiste sincère apercevra des côtés pleins de vie, des lignes chaudes, des contours magistraux, et ce sentiment de l’art qui jaillit des œuvres informes du sculpteur enfant.