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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

« Je pars de ton domicile, continuai-je avec l’accent d’un homme convaincu de la beauté d’une idée qu’il expose ; je m’élance sur la Marne ; j’entre en Seine (de grâce, n’y trouve pas un calembour) ; je m’abandonne au courant, et je traverse Paris sans hâte et sans frayeur, embarquant sur mon bord des vivres pour six mois. »

Je ne saurais mieux vous peindre la physionomie de mon ami Fritz, qu’en comparant ses yeux à des portes cochères armées de lanternes, et sa bouche à un tuyau de poêle tronqué.

« Pourquoi faire ? » dit-il.

Il y avait dans ce « pourquoi faire ? » une telle naïveté de stupéfaction que je n’osai m’en offenser.

« C’est bien simple, lui dis-je : pour voir, pour comparer, pour méditer, pour chanter. »

Cette accumulation d’infinitifs agrandit l’ouverture de ses lèvres : il me crut fou.

« Veux-tu me suivre ? continuai-je ; tu auras le mot de l’énigme,

— Je le veux, dit-il, ne fût-ce que pour apprendre combien de verres de champagne tu as épuisés avant de me faire l’honneur de ta visite. »

Nous sortîmes. Derrière la maison de Fritz est un petit jardin, mignon comme une bonbonnière ; il n’y manque que le couvercle incrusté de dentelles.

Figurez-vous une circonférence de gazon ; à travers le cercle se promènent six petits sentiers d’une régularité parfaite. Ces sentiers entourent un pareil nombre de plates-bandes, où fourmille le plus étrange semis de fleurs blanches, roses, jaunes, bleues, grandes, minces, courbées ou droites, flexibles ou raides ; des fleurs, des fleurs, et partout des fleurs : pralines ou dragées, pastilles ou bonbons à liqueur.