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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.


Connaissez-vous rien d’ennuyeux comme une mouche qui sans cesse revient se poser sur le nez ? En vain vous la chassez, en vain, pour continuer votre travail vous saisissez un plumeau de la main gauche, et vous vous en balayez constamment le visage, au risque d’avaler la poussière laissée par votre domestique ; la coquine saisit l’instant où vous vous y attendez le moins ; elle se glisse dans les interstices des plumes, et, bourdonnant aux éclats, s’enfuit après avoir imprimé sa piqûre à l’objet qu’elle attaque.

Ce supplice intolérable, et qui rendrait fou un homme vertueux, ne saurait cependant être comparé à la torture que j’éprouvais toutes les fois que ce Paré à virer ! sortait des lèvres flegmatiques de Fritz. Toujours ce cri me surprenait à l’instant où quelque rêve enchanteur posait sur moi ses ailes blondes, et le pilote maudit, avec sa clameur d’aigle malade, faisait enlever le pauvre papillon, qui par malheur ne revenait plus.

Je me levais avec des mouvements de rage chroniques, et je remuais mes avirons à faire chavirer le bateau.

L’impassible Fritz avait allumé un cigare à sa pipe, et ne me regardait pas.

Je me sentis saisi d’une folie envie de le jeter à l’eau. Précisément, il s’était levé, se tenait debout, et me présentait le flanc.

J’étendis ma main, mais je la retirai précipitamment.

Un saint effroi du crime que j’allais commettre me glaça le sang dans les veines ; je vis se lever contre moi tous les spectres de la Seine, et une chouette, perchée sur un vieux