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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

duit pas de vin, mais où est le centre de tout ce qui se boit à Paris, je devais être stupéfié de trouver autre chose que de l’eau pour étancher ma soif.

L’hôte et l’hôtesse étaient à table, devant Le modeste repas que j’ai décrit. Leur fille, jeune personne parfaitement bien portante, leur tenait compagnie. Plusieurs buveurs s’humectaient le gosier aux tables avoisinantes.

Personne ne se leva à notre entrée, pas même l’hôte. Je lui pardonnai cette infraction aux règles de la politesse, en m’apercevant qu’il était occupé à détacher précisément la croûte du pâté, au moyen d’une fourchette et d’un couteau, débris de l’antique héritage de Gargantua. La religieuse attention qu’il donnait à ce travail l’empêcha de nous entendre et de nous voir. Je crois que ses clients auraient pu s’assassiner réciproquement, sans qu’il s’en aperçût.

Un coup de coude, tel que savent en fournir les femmes dans certaines occasions, le réveilla de sa torpeur. L’hôtesse nous montrait du doigt, mais sans perdre un coup de dent.

« Que désirent ces messieurs ? »

Je suis très-paresseux, et j’ai pour habitude de me confier en toutes choses à la destinée, une très-aimable personne quand on ne la courtise pas. La destinée s’incarne toujours pour moi dans l’être qui m’accompagne. Je laissai parler Fritz.

Il expliqua nos vœux qui furent parfaitement accueillis.

« Un souper, une chambre. »

À l’unanimité on nous les accorda, et nous fûmes nous asseoir dans un coin abandonné, non sans jeter un regard de concupiscence sur le merveilleux pâté que l’hôte ne se sentait pas sans doute d’envie de partager avec nous.

Il se leva, et vint nettoyer notre table avec un de ces tor-