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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Faut boire ! alors que le geste et la contenance accompagnent si bien la voix, alors que la lèvre est épaisse et la démarche débraillée, alors surtout que le demandeur tient à la main un lourd bâton, que les étoiles brillent au ciel, et que personne ne passe sur la route ?

Pour ma part, si l’envie me venait de devenir orateur, je n’étudierais que quatre modèles :

La Philippique de Démosthène, qui fit soulever les Athéniens vaincus et perdre la bataille de Chéronée ;

Le Pro Ligario de Cicéron, qui fit tomber des mains de César une sentence de mort ;

Le discours de Mirabeau sur la hideuse banqueroute, après lequel tous les citoyens vinrent apporter leur or à la patrie ;

Et enfin,

Et enfin le : Faut boire ! de mon estimable interlocuteur, dont le résultat se matérialisa en une pièce de cinq francs, que mon gousset laissa choir dans sa main large et calleuse.

Les abords de notre canot devinrent libres ; nous nous remîmes à l’eau.

« Fichtre, dit Fritz, et notre petit garçon, que nous avons oublié !

— Quel petit garçon ?

— Celui qui devait prendre ta place.

— Je la garde ! m’écriai-je… j’ai horreur des étrangers maintenant. »

Les premiers rayons du jour éclairent le firmament ; l’Aurore, de ses doigts de rose, entr’ouvre les portes de l’Orient, et sur son char…