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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Vous me croirez si vous voulez, mais j’allais continuer ainsi.

Et pourquoi n’aurais-je pas continué ?

Parce que ces images sont mythologiques, et appartiennent à tout le monde.

Deux défauts pour vous, deux qualités à mon avis.

Au demeurant, et quoi qu’on en ait dit depuis Perrault : quelle religion, quelle poésie sont comparables à la religion et à la poésie antiques ? Connaissez-vous quelque chose de plus gracieux et de plus joli que ceci : l’Aurore de ses doigts de rose, etc. ? Quelle peinture plus fraiche, plus ravissante, plus aimable. La voyez-vous, cette déesse aux longs cheveux d’or, au sein nu et radieux, la voyez-vous, cette beauté au réveil, encore pourpre des baisers de la nuit, écarter discrètement, de cette main aux veines bleues, à la peau souple et transparente, de ces mignons doigts rosés, si digne de l’adoration du monde, la voyez-vous écarter les battants fauves de l’Orient et répandre dans les cieux ces torrents de lumière rutilante, qui s’échappent à la fois de ses yeux, de sa chevelure et de son sourire ? En vérité, n’est-ce pas à donner la chair de poule de désir et d’admiration ? Foin de nos créations romantiques, avec leurs gnomes et leurs démons hideux : salut à la déesse Aurore, dont les yeux rayonnent la beauté, dont la chevelure répand l’amour, dont le sourire promet le bonheur !

Oui, cette image appartient à tout le monde. Je le crois bien : qui voudrait se la voir enlever ?

Ô poésie ! qu’es-tu devenue ?… Pour moi, je ne bifferai point ces lignes, quand je devrais faire pâmer de bonheur tous les professeurs de rhétorique de l’empire.