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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

que j’admire de loin, il serait inutile de livrer d’avance les secrets de mon voyage. Puis j’abhorre les répétitions.

Contons plutôt une aventure qui nous arriva à la douane.

On sait qu’aujourd’hui les banlieues ont été réunies à Paris. Pour ma part, je déplore cet acte du pouvoir administratif.

Non que je veuille vous en donner des raisons tirées du budget des finances. Il est possible qu’à ce point de vue la chose soit remarquablement établie ; je m’en rapporte à la prudence de nos gouvernants. Seuls, les yeux des préfets et des chats ont la propriété de lire dans la nuit.

Je le déplore, parce que ce décret tend à détruire les diverses physionomies caractéristiques de cet univers qu’on appelle le département de la Seine. Chaque jour enlève une couleur de ce visage couperosé ; bientôt il ne restera plus qu’une face maigre et pâle, et la France, qui en est le corps, se revêtira peu à peu d’une teinte uniforme, qui la rendra aussi laide et aussi chétive que la déesse Pacht des prêtres égyptiens.

Plus de types, plus d’individualités, plus de vie. La nation ne sera plus qu’un vaste couvent, où le son de la cloche fera marcher à heure régulière une bande de moines blancs dont les robes, fabriquées sur un même modèle, déguiseront les contours sous une laine épaisse et rude.

Alors ce sera peut-être un riche gouvernement ; mais, avouons-le, ce sera un pays terriblement ennuyeux. Alors c’en sera fait de mes voyages, et l’honnête homme, en demeurant dans son lit, verra sa belle patrie dans ses quatre murailles.