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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

prétexte pour couvrir leur galanterie : tous les bateaux sont vides. »

Nous abordâmes.

Deux messieurs parfaitement couverts se tenaient debout sur la rive.

L’un d’eux, sans proférer une parole, descendit dans le canot.

« Vous n’avez rien à déclarer, messieurs ? » dit-il, après avoir minutieusement visité toutes les planches.

Je me levais sans répondre, afin de rendre mes hommages à ce dévoué fonctionnaire, lorsque Fritz fit retentir comme un sonneur son effrayant : Paré à virer !

Je bondis sur la rame, et nous partîmes.

Et…

Et le malheureux douanier, dont la jambe gauche était seule hors du canot, tandis que la droite se balançait amoureusement sur notre bord, prévoyant un écartement violent, s’affaissa sur lui-même, et disparut dans l’eau douce.

Mais le vent gonflait la voile, et nous filions à l’heure un nombre considérable de nœuds.

Je laissai la rame, et je regardai Fritz. Il était fort pâle.

« Filons, dit-il, et rapidement. Ils sont capables d’envoyer un bateau à nos trousses.

— Crois-tu ta victime avariée ?

— Ta victime…

— La tienne.

— La tienne. N’as-tu pas donné le coup d’aviron ?

— Ne me l’as-tu pas ordonné ? N’es-tu pas mon chef ?

— Il n’importe. Voguons à la dérive. »

Et le canot, confié au courant, glissa comme une plume sur l’onde de plus en plus verdoyante et fauve.