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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

sais pourquoi l’autorité laisse subsister ces affiches, qui n’ont d’autre résultat que de porter atteinte à sa considération. Peut-être est-ce pour l’ornement de la rive,

La première ordonnance est la plus transgressée. Il semble que le costume d’Adam ait des charmes particuliers pour les citadins, enveloppés quotidiennement de la racine des cheveux à la plante des pieds. On sait qu’à Paris il n’y a pas de jour dans l’année où l’eau soit propice à la baignade ; la Seine est une rivière dangereuse, dont l’onde est presque croupie ; puis le soleil, ne donnant jamais deux jours de suite, ne peut parvenir à changer en tiédeur la glace liquide qui s’agite entre ses deux bords. Il n’importe. Le bourgeois de Paris quitte clandestinement sa maison, abandonne sa femme, ses enfants et son médecin ; il est au mois de juillet, il est au mois d’août ; s’il fait froid, il devrait faire chaud ; si le soleil ne paraît pas, il devrait paraître ; le bourgeois est dans son droit, Dieu seul est dans son tort. Mais les rhumatismes ? Le bourgeois les brave ; il brave bien les procès et les sergents de ville ! C’est peut-être le seul article de la loi qui n’obtienne ni son respect ni son obéissance ; c’est dans cette unique occasion qu’il néglige les avis salutaires de la police, cette reine qu’il salue d’ordinaire avec un sourire courtois. Le bourgeois ne chasse pas sans permission ; il pêche rarement sans s’informer s’il ne choque en rien les arrêtés, il ne chante point passé minuit ; il n’attache point de pots de fleurs à sa fenêtre. Mais lorsque le bourgeois se sent pris du désir d’étendre ses membres corpulents sur le sein de la nymphe des eaux, c’est en vain qu’une armée voudrait l’arrêter : il marcherait contre leurs canons : tout endroit lui est bon et légitime ; il ne reconnaît à personne le droit de lui plaquer son vêtement sur la poitrine ; il préférerait qu’on le lui volât sur la rive.

À défaut de la force, il emploie la ruse. Et, tout bien con-