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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

aux neuvaines, car, selon cet infortuné, la présence de cette vierge pudique faisait tourner l’affaire à l’envers et obtenait constamment les grâces contraires à celles qu’on espérait.

« Non, achevait l’impie, que la pauvre femme fût maudite de Dieu ; ses vœux, au contraire, n’étaient que trop bien accueillis. Dans sa simplicité et son ignorance, la dévote ne savait trop ce qu’elle demandait au ciel ; et celui-ci, à qui seul elle était agréable, lui accordait aveuglément ce que sa bouche paraissait désirer. »

Pour ma part, je ne crus pas un mot de cette anecdote, et je penchai la tête, abimé sous l’idée de la corruption du siècle en général, et de mon ami Fritz en particulier.

La seconde chose qui résulta de notre entretien, c’est que nous fûmes tellement absorbés l’un et l’autre que le bateau heurta contre une pile, et je tombai sur le dos avec la grâce de l’ours Martin.

Je fus heureux dans mon malheur.

Certes, c’est toujours un triste événement que de tomber sur le dos. On est désagréablement surpris, et l’on se fait très-mal. Mais avouez qu’il est infiniment préférable de subir cette épreuve au fond d’un canot, au risque du péril et sous les yeux de votre unique ami, que si votre mauvaise étoile vous eût destiné à cette posture ridicule sous les regards tremblotants de quatre cents danseuses et de deux cent cinquante cavaliers, le long d’un parquet bien ciré, devant les lustres resplendissants d’un ironique éclat. Si pareil accident vous est arrivé, lecteur, je vous plains : vous êtes déshonoré.

Mieux vaudrait pour vous avoir assassiné la fille unique de votre voisin.