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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

proclamais romantique ultra ; une fois admis, une fois accepté dans ce rôle, je pouvais me livrer aux sarabandes les plus insensées, aux avant-deux les plus exagérés, gambader des façons les plus diverses, m’entremêler aux jambes des plus graves, être en un mot partout où je n’eusse pas dû être, sans que jamais un geste d’épaules accueillit mon audace shakespearienne. Un sourire seul saluait mes écarts, ce sourire qui signifie à n’en pas douter :

« Que ce monsieur est donc original ! »

Je vous demanderai l’autorisation de parler quelques secondes sur l’originalité.

Quelle différence y a-t-il entre cette dernière et le ridicule ?

Au fond aucune ;

Dans la forme, une effrayante.

Tout le monde a le droit d’être ridicule ; l’homme célèbre seul a le droit d’être original.

Aussi ce dernier mot est-il synonyme du premier en province, tandis qu’à Paris il signifie évidemment : homme d’esprit.

Pourquoi ?

Parce qu’en province il n’y a pas d’hommes célèbres.

De là vient que l’esprit de Paris consiste à ne rien dire comme tout le monde, c’est-à-dire à être original, tandis que l’esprit de la province est tout entier dans l’imitation de ce qu’on appelle les manières, c’est-à-dire les habitudes de la majorité des Français.

À Paris, l’homme original est un homme charmant. Toutes les femmes se l’arrachent ; tous les salons le reçoivent, à quelque prix qu’il se mette. L’originalité est la moitié du