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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

telle société, tous les matins ? que dis-je, tous les matins ? et le soir !

Après son déjeuner, Monsieur sort, et Madame range avec la bonne. Où Monsieur va-t-il ? pas bien loin. À vingt pas, dans ce café qui occupe le coin de la rue, et qui a nom : Café du Commerce ou Café de Paris. Là, le bourgeois s’assied ; il demande un journal et du café. Le journal varie suivant les caractères et les opinions ; car, il ne faut pas s’y méprendre, le bourgeois a aussi des opinions. Il est vrai que ce sont habituellement celles de son journal. À la vérité, le Siècle, le Constitutionnel et les Débats sont les feuilles en vogue. Quand le bourgeois a lu, et cette lecture dure bien une heure, le bourgeois cause ; quelques-uns de ses voisins sont là ; ce sont ses habitués, ses compères ; on discute les actes du gouvernement, mais toujours avec douceur et modération. La révolution est en horreur au rentier qui souvent est propriétaire. Le seul nom de Mazzini fait passer un frisson dans ses membres ; néanmoins les idées voltairiennes dominent, et le pape n’a pas toujours son assentiment. À vrai dire, le bourgeois de l’île ne sait pas trop ce qu’il veut ; il a peur de la liberté, et n’aime pas l’absolutisme. Aussi, change-t-il souvent d’idées ; et la première objection lui fait proposer une partie de dominos.

Le domino est un jeu superbe et beaucoup plus intéressant que la politique. Il dure de une à deux heures, on joue un grog ; le grog, longtemps débattu, finit par être gagné ou perdu ; on paie et l’on sort.

On va faire son petit tour. Hélas ! autrefois le rentier avait des jardins, où la foule respectait sa promenade, où les passant ne gênaient point ses pas ; où personne ne prenait son banc, ce banc de bois, toujours le même, dont le coin semblait par lui retenu, et le long duquel, lorsqu’il faisait hu-