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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Aussi quelle chaleur ; chacun s’en préoccupait par instinct. Les uns avaient retiré leurs blouses, d’autres entr’ouvert leurs chemises, et, lorsque ceux-ci buvaient, on pouvait voir dans leur cou s’agiter et remonter une boule mobile, comme si l’estomac lui-même se refusait à engloutir le liquide qu’on lui envoyait.

Et ils buvaient… Que buvaient-ils donc ? De la bière, parbleu ; de la bière et du genièvre. C’est du moins ce que chacun demandait ; car, pour la liqueur apportée, la vérité m’oblige à le dire, elle était bien plus semblable à une huile religieusement conservée qu’à toute autre espèce de boisson digne d’être présentée à des gosiers humains. Le principal est que tous s’en contentaient ; plusieurs même, sublimes de résignation, ricanaient en l’absorbant.

Les pots étaient de grès ou de fonte : les verres de verre, verre particulier que l’on jetterait du haut de la tour Notre-Dame, qu’il ne s’en briserait pas un éclat.

Mais le papier ?… M’y voici. Ne fallait-il pas garder pour la fin le plus merveilleux de l’histoire ? N’est-ce pas le droit, n’est-ce pas le devoir des conteurs ?

Le papier… il n’y en a pas au Lapin-Blanc ; mais il est merveilleusement remplacé par une série de dessins fantaisistes, exécutés généralement et donnés par les pensionnaires de l’établissement. Tous ces dessins, exactement collés sur la muraille, sans souci de l’exposition, au hasard, comme on les livre, portent le nom de leur auteur à l’angle droit de la feuille, ainsi que l’époque de la donation. Tous représentent le Lapin-Blanc dans une situation différente. Puis, il n’y a pas que des dessins ; il y a des vers, beaucoup de vers ; il y a de la prose, peu de prose… prose et vers consacrés à l’éloge du Lapin-Blanc.

Et le lapin blanc cependant se balance sur son enseigne,