Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

232
LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

il me semble que, des deux bouts de l’horizon, un firmament de bois s’est étendu sur ma tête.

« Je crois qu’il dort sous la table, dit Fritz.

— Le remède opère, ajoute une voix ironique… Frédéric lui a fait prendre du hatchich, mêlé aux confitures. »

Horreur ! Mes cheveux eurent encore la force de se hérisser ; puis j’entendis mon voisin murmurer :

« L’amour est une flamme bleue… »

Et je m’endormis profondément.

Alors ce fut un beau jardin ; les herbes des gazons frissonnaient comme des cordes de harpe ; elles entouraient de petites fleurs blanches, dont la corolle, en forme de lyre, rendait des sons harmonieux ; au milieu, s’élevait l’arbre qui chante, et de ses mille branchages ruisselaient des accords célestes.

Une rivière coulait profonde, calme et transparente. Et j’étais là, seul, regardant au fond de la rivière. Je cherchais à voir mon image ; mais comme l’homme du conte, qui a perdu son ombre, je n’avais pas d’image. À la place s’élevait, du milieu de l’eau, une figure gracieuse, si belle que je ne pus un instant la prendre pour mon fantôme. Elle se jouait comme une ondine, et de sa chevelure lutinait les gouttes liquides ; celles-ci, retombant en pluie d’argent, n’agitaient pas le miroir, où je voyais la fée, et n’en ridaient pas même la surface diaphane. C’était, entre les étranges choses, la chose la plus étrange,

L’ondine s’approchait de moi, et cependant ne me regardait pas. Elle était nue ; mais ses cheveux, par instants, voilaient ses formes admirables. Ses cheveux, une main légère