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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

gigantesques écriteaux. Ils porteront en fantastiques caractères la défense expresse aux passants de franchir leurs bornes sacrées, sans avoir témoigné de la possession immédiate d’un certain nombre de pièces de monnaie. Quelques douaniers pourront être préposés à la visite des goussets ; on ne sait combien de malheurs éviterait cet avis charitable, et combien la municipalité dormirait mieux sur ses deux oreilles, assurée que ses administrés ne sont plus exposés à périr de male mort, faute d’un secours indispensable.

Voilà bien des avis que, durant le cours de ce voyage, je me suis permis de donner à la municipalité ; je doute qu’elle en tienne compte. Je dois même avouer que je n’ai reçu jusqu’ici aucune lettre d’adhésion, ce qui prouve incontestablement le bon sens des Français, et la niaiserie de votre serviteur.

Revenons au jardin des Tuileries, dont en ce moment cent ouvriers sont occupés à retrancher soigneusement le dernier filet d’ombre et de fraîcheur, filet que se disputaient quelques bourgeois irascibles, et qu’il a été nécessaire sans doute de sacrifier au repos public. L’administration ne fait point de jaloux ; l’égalité des Français devant elle a été proclamée depuis longtemps ; elle se garde de privilégier personne. Mère habile et prudente, certaine de ne pouvoir donner le bien-être à tous ses enfants, elle n’entreprend point une œuvre impossible, et se contente d’en priver le petit nombre des privilégiés. Égalité, vous dis-je, égalité devant le soleil, le macadam et les boulevards.

Quand Lenôtre eut planté le jardin des Tuileries, ce fut un ravissant spectacle. Le parc s’étendait alors jusqu’au pied du château ; c’était une œuvre en soi complète ; le grand architecte avait pris autant de terrain, ni plus ni moins qu’il ne lui en fallait pour s’immortaliser. Toutes les créations se res-