Page:Henri Maret Le tour du monde parisien 1862.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

270
LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

privilège de pressentir ; l’on comprend combien l’étude de cette faculté spéciale serait utile à la médecine préventive, si celle-ci… Mais, voyez-vous, tant qu’il ne se mêlera pas un peu de philosophie à la médecine, Molière aura toujours raison.

Le quinzième jour avant l’explosion d’une maladie grave, vous trouvez la vie triste. Il fait un temps superbe : le soleil rit sur le gazon de votre jardin et joue avec les primevères ; la veille, vous avez reçu la plus adorable lettre d’une fiancée que vous chérissez ; le soir même, vous attendez la venue de votre mère, et votre feuilleton a paru le matin. Je ne sais pas pourquoi ; mais vous trouvez la vie triste.

Cela dure un jour ou deux, puis il y a un intervalle. Vous retombez dans votre caractère habituel ; vous mangez, vous riez, vous chantez, vous vous promenez. Le dixième jour, bien entendu avant les calendes, rechute morale, mais plus grave que la première. Ce n’est plus de la mélancolie, c’est du spleen ; ce n’est plus du Millevoie, c’est du Byron. Il vous semble que deux pistolets d’arçon sont le plus beau spectacle que puisse fournir la nature, et vous vous demandez amèrement si la femme est réellement la compagne destinée à l’homme.

Oh ! défiez-vous, je vous en conjure, de la matinée, où, le front sur votre main, vous vous adresserez au réveil cette question paradoxale ; c’est la preuve la plus péremptoire que la corruption se répand dans votre sang.

On ne fait nulle attention à ces symptômes, le corps n’éprouve encore aucune souffrance ; le corps est toujours très en retard… Voilà cependant que le temps se passe et demain vous ne pourrez arrêter le mal.