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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

et se reculer dans la réalité, cet abri, dont on ne goûte vraiment les charmes qu’après des dangers surmontés.

Ainsi de notre homme et de ses admirateurs. Bien fort est celui qui, convaincu de sa propre supériorité, sait se forger un dehors ad hoc, et faire sortir l’idée de son pouvoir par tous les pores de son individualité. Le public est généralement naïf ; et, quoi qu’on fasse, le charlatan sera toujours plus écouté que le médecin.

Aujourd’hui que les idées politiques ont révolutionné le monde, lorsque chacun roule en son cerveau des théories plus ou moins bien fondées pour le bonheur de l’humanité, l’espèce que je décris s’est répandue dans Paris comme une fourmilière autour d’un chêne. Comme une fourmilière aussi, elle ronge l’arbre qui lui sert d’asile, et qui peut-être un jour l’écrasera dans sa chute.

Il y a bientôt un siècle, le scepticisme avait gagné tous les cœurs ; nul ne croyait plus à rien. Les ouvriers de la démolition préparaient leur œuvre infernale ; la société allait tomber.

Longtemps encore après le coup fatal, qui avait détruit tant d’illusions, au milieu des débris de toutes les fois, qu’aucune foi n’avait remplacées, le doute et le désespoir envahissaient les nobles âmes. Byron chantait ; Chateaubriand rêvait ; l’un à peu près athée, l’autre chrétien, mais tous deux désespérant de l’avenir.

Or voici que de nouvelles écoles philosophiques se sont levées ; le mot croyance a été prononcé ; les artisans de la reconstruction ont levé la tête et préparé leurs outils ; puis, comme le naufragé saisit une planche du navire englouti, l’humanité s’est précipitée avec frénésie sur cette foi au progrès, son dernier moyen de salut.

Toute médaille a son revers ; tout bonheur sa souffrance ;