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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

toute chose humaine son ridicule. Aux côtés de l’honnête homme, le fripon ; derrière le juste, l’hypocrite ; auprès du sage, l’ambitieux. Les rois n’étaient-ils pas jadis suivis de leurs bouffons dans les cérémonies les plus saintes ? Effrayante image des réalités terrestres. Aujourd’hui les rois vont seuls ; mais dans le cortège d’un héros de la pensée que de Triboulets difformes, que de caricatures imbéciles !

Nous l’avons dit, chacun veut apporter sa pierre aux fondements du palais. C’est bien. Mais que les faibles dont le bras ne peut remuer qu’un caillou n’essaient pas d’apporter un rocher. Qu’ils laissent aux forts les travaux. Leur présence n’est qu’un embarras pour les travailleurs ; et, s’ils ne sont point assez sages pour se retirer volontairement, l’édifice sera long à terminer, car l’office des sergents de ville ne s’étend pas jusqu’à les chasser.

Cette manie d’action est une des plaies les plus profondes de notre âge. Il faudrait le crayon de Juvénal pour la stigmatiser. Si nous faisions une étude philosophique, le sujet nous conduirait trop loin ; souvenons-nous à temps de l’inefficacité de notre voix, et prenons nous-même le conseil que nous donnons aux faibles.

Je reviens à mes gens sérieux, que je n’ai pas d’ailleurs quittés. Ce sont eux qui forment à cette heure la procession de médiocrités, toujours à la quête d’un grand homme, et cherchent à poser leur piètre chaussure dans les vestiges de ses pas. Quand le grand empereur régnait, chacun était soldat ; quand Victor Hugo chantait, chacun était poète ; aujourd’hui Napoléon III nous gouverne, et partout s’élèvent des myriades de petits politiques, qui grouillent autour du char impérial, dans l’espoir d’influencer sa marche. Ô La Fontaine, que n’es-tu là pour nous dire encore une fois ta charmante fable, où la mouche glorieuse s’acharne à bour-