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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

donner autour des chevaux, et s’écrie, le coche arraché au bourbier :


« Respirons maintenant…,
« J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. »

Mais, grand homme, ils ne t’écouteraient pas. Ils feraient comme font les auditeurs de tous les prêches, dont chacun rejette la morale sur son voisin, et cligne de l’œil en le regardant. Ils n’en continueraient pas moins de suivre leur petit sentier qu’ils prennent pour la grande route ; ils ne s’en poseraient pas moins le nez aux étoiles et la tête de trois quarts ; ils n’en mépriseraient pas moins profondément le profanum vulgus, dans lequel nous tous, mes amis, qui châtions les mœurs à force de rire, nous jouons le rôle d’écoliers ignorants et indisciplinés.

Grands hommes que tous ces gens-là. En général, ils ne respectent rien qu’eux-mêmes, et les créateurs du système auquel ils appartiennent. Ne leur parlez pas des héros et des philosophes, dont les eaux leur sont inconnues : ils ressemblent au paysan qui nie la mer, parce qu’il ne l’a jamais vue.

Tout ce qui est intelligible leur déplait : ils ont le vague pour ciel, le pathos pour enveloppe, et la terre où ils marchent est semblable au caméléon, dont on ne peut définir la couleur.

J’en ai connu un qui, m’ayant lu des vers de sa composition, me demanda avec une cynique franchise si j’en comprenais un seul mot. Pour le flatter, je crus devoir pencher vers l’affirmative. Il brûla son œuvre devant moi.

Celui-là était loyal : généralement ses confrères nient leur