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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

piétés-là sont les leçons de l’humanité. Tandis que les hypocrites se glissent doucement au cœur de la terre pour y boire sa dernière goutte de sang, le blasphème, ivre et franc, ouvre sa bouche avide sous la mamelle desséchée de la grande nourrice. D’un côté, c’est Lucifer qui aspire au ciel ; de l’autre, c’est le démon qui prouve l’existence de Dieu. Les impiétés loyales sont une rosée sanglante, qui se résout en vapeur, et que demain l’Être suprême transformera en pluie rafraîchissante. Dieu ne hait que ceux qui pèchent contre l’esprit.

« D’une façon ou de l’autre, nous sommes tous impies. Ne l’êtes-vous point comme moi ? Comment l’êtes-vous donc ?

— Tempête et sang ! dit Fritz, qu’en voilà long sur ce sujet ! »

Nous déposâmes notre compagnon aux environs du Champ-de-Mars. La nuit était tombée tout à fait. L’esplanade immense s’allongeait comme une bière recouverte de son linceul ; au fond, l’École-Militaire, ayant allumé tous ses flambeaux, semblait une lampe funéraire à la tête du gigantesque cadavre. De rares passants formaient des taches noires sur l’avenue. Quelques petites filles chantaient en rond autour du premier banc.

Elles chantaient à tue-tête ce refrain bien connu :


     « Vive le carnaval :
« C’est le moment de la folie !
     « Vive le carnaval :
« C’est le moment d’aller au bal ! »

Puis elles disaient et répétaient :