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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

trois collines dans Paris : Montmartre qui domine une plaine nue, semée de fabriques hideuses ; la montagne Sainte-Geneviève, formée de haillons et de pleurs ; Passy enfin, qui rit, par les grillages de ses petites maisons vertes, d’un côté, au cours précipité de la Seine, échappée à l’étreinte de ses quais, de l’autre à ce lac de verdure qui fut une forêt célèbre, et qu’on appelle le bois de Boulogne. Passy est la première halte sur cette route magnifique, l’une des plus belles de France, et qui compte, jusqu’à Versailles et Saint-Germain autant de sites pittoresques que de maisons, autant de charmes que d’aspects. Nommer Rueil, Chatou, Saint-Cloud, Ville-d’Avray, n’est-ce pas présenter à l’œil du voyageur tous les sourires, tous les épanouissements de notre climat ? N’est-ce pas lui offrir le plus éblouissant mirage où puisse palpiter le soleil, sur cette prosaïque terre de France ?

La population de Passy est, par extraordinaire, la seule qu’on eût pu désirer pour ce lieu béni du ciel. Rendez-vous d’artistes, d’acteurs célèbres, d’hommes de lettres ; angle de la grande cité, où se réunissent, comme au coin favori d’un salon, ces puissants oisifs, à qui la fortune permet de créer, sans travail, ce petit faubourg est imprégné d’une senteur de bonne compagnie, indéfinissable sans doute, mais qui inspire au passant la plus profonde sympathie pour ses habitants privilégiés. L’envie suit l’admiration : on voudrait vivre avec eux, partager ce bonheur et ce repos qu’on devine, prendre sa part de cet air pur, avoir à soi quelqu’un de ces gazons verts, étendus devant les balcons, comme un tapis au pied d’un divan moelleux. Derrière les premières fenêtres, de frais visages de soubrettes sourient à qui les regarde, et rappellent à l’observateur la physionomie de ces riches villes de province dont toutes les maisons sont des hôtels, et dont les habitants ne se rangent qu’en deux classes : les serviteurs et