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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

de mouches tourner sérieusement à deux pouces de tes lambris, sans s’écarter d’un cercle sans but ? Le spectacle de la population parisienne est bien plus réjouissant.

« Comme les habitants de la lune, tous ces gens-là sont dupes les uns des autres, se dupent eux-mêmes, et constamment prennent l’or pour le bonheur, la beauté pour l’amour, et vessies pour lanternes.

« Comme le peuple des Invalides, ils se pressent trois cent mille à l’attaque d’un mets futile, qui ne saurait en nourrir un seul. Ce n’est pas le plus adroit, mais le plus favorisé qui parvient. Et ce favorisé, qu’a-t-il ? souvent le passant, trouvant la dragée mauvaise, la jette à des enfants qui jouent ; quant à la multitude, elle gagne à ce jeu plus de coups que de bonheurs. Puis elle souffre de sa bassesse, se plaint de la boue qui salit ses mains, et ne songe pas que le repos, si désiré, quand la fête est finie, l’attendait au foyer avant qu’elle n’eût commencé.

« Comme les mouches, ce peuple tourne, il tourne vite, plus vite, encore plus vite ; il croit avancer, mais il n’avance ni ne recule ; on ne voit pas son but, on ne voit pas la cause qui meut ce tourbillon fiévreux. Il n’y a que des prétextes, pas un motif sensé. Ils tournent, ils tournent tout le jour, et, quand le voir vient, ils s’endorment, convaincus que le monde a marché.

« Il a marché, c’est vrai ; mais ce n’est pas la faute des mouches.

« Pour moi, je ne puis traverser le boulevard, sans me demander après qui en ont tous ces gens-là, et ce qu’ils gagnent à s’agiter ainsi.

— Mon cher Fritz, le fatalisme oriental a du bon ; mais l’activité est un besoin de notre organisation qu’il faut satisfaire à tout prix.