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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

phénomène au voisinage de l’Odéon ; d’autres prétendent au contraire que l’Odéon ne doit son voisinage qu’à ce phénomène.

Quoi qu’il en soit, retournons à notre café, qui, vers le temps dont je parle, c’est-à-dire en 1849 ou 1850, était l’un des rendez-vous les plus habituels de la jeunesse dorée du pays latin. Il s’y passait des choses étonnantes, dont aujourd’hui reste seul le souvenir.

Certes, si mes lecteurs n’étaient mêlés de sages lectrices, nous pourrions raconter à ce sujet quelques aventures piquantes. Nous nous contenterons de verser un pleur, et réserverons l’oraison funèbre pour un papier plus propice.

Le temps s’obscurcit.

« Croyez-vous que nous aurons de l’orage ? » me dit mon voisin de gauche.

Je relevai la tête, et aperçus l’horizon cerclé de noir.

Le cocher se retourna. C’était un homme à figure sinistre.

« Il tonnera, » dit-il d’une voix rauque.

Puis il fit claquer son fouet avec une gravité sonore.

Je hasardai une question assez naturelle :

« Croyez-vous, cocher, que nous aurons le temps d’arriver à la barrière sans être surpris par la pluie ? »

Ma question ne fut pas trouvée convenable et n’obtint point de réponse. Comme la sûreté de mon voyage dépendait en grande partie de cet homme, je n’osai lui faire aucune observation, et me tus.

En ce moment, j’entendis le bruit d’une violente altercation dans l’intérieur. Je sus depuis qu’il s’agissait d’un homme ivre que le conducteur tenait à chasser de la voiture et qui se cramponnait aux barreaux, prétendant que pour ses six sous il avait le droit de faire le tour du monde.

Cette prétention exorbitante ne fut point admise, et j’aper-