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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

chand  ? Je vous dis qu’il faudrait un livre entier rien que pour noter les progrès faits en ce genre d’études.

Et le nombre incalculable de fenêtres ouvertes qui permettent à nos regards indiscrets de plonger dans l’intérieur des appartements : que de mystères à découvrir !

Ici, ce sont deux jeunes filles qui lisent une lettre ; quelle lettre ? Elles sourient, tandis qu’un gros homme, leur père, travaille consciencieusement dans le cabinet voisin, si consciencieusement que le voyageur est tenté de lui crier : « Arrête-toi donc, à père infortuné, et passe dans la chambre voisine. »

Plus loin, trois ou quatre enfants qui jouent : point de parents. Oh ! l’excellente vie ! les bonnes courses sur les canapés ! les jeux de ballons éperdus, au risque de briser pendule et glace ! oh ! les joyeux cris et les rires sans fin ! mais la porte s’ouvre, une bonne paraît ; que va-t-il arriver ? l’omnibus a passé, je ne le saurai jamais.

Là-bas, ce sont des chambres vides. Croyez-vous qu’il n’y ait rien à observer quand les habitants n’y sont pas ? Détrompez-vous ; rien de plus parlant que l’ordre d’un appartement ; rien de plus bavard que des meubles ; il y a autant de différence entre l’appartement d’un poète et celui d’un commerçant qu’entre leurs deux cerveaux. Toutes les professions, toutes les habitudes se devinent, rien qu’à la façon dont est faite la pendule, rien qu’à la position occupée par le canapé, et du boudoir d’une femme au cabinet d’un homme, quel abîme !

La situation des fauteuils suffit parfois à vous développer toute l’histoire de l’heure qui vient de s’écouler.

Ce genre de travail ou de plaisir est un des plus intéressants que puisse se donner le flâneur.