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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

dans l’air, moins il y aura d’azote, plus l’air sera pur. Donc, les lieux plantés d’arbres sont les plus sains, puisque les feuilles absorbent l’un et nous laissent l’autre. Quod erat demonstrandum.

L’administration se dit : Il y a déjà des arbres dans Paris ; il paraît que cela ne suffit pas, puisque ces arbres n’ont point de feuilles, et par conséquent n’absorbent aucune parcelle de cet azote si fatalement répandu chez nous. Il faut que ces arbres poussent et que leurs branches produisent des feuilles.

Elle dit, et tout s’exécuta.

L’œuvre fut longue, mais l’obstination était grande et vainquit les obstacles. On traita ces arbres comme des enfants souffreteux ; on les accabla de cautères, de tisanes et d’irrigations ; on les enveloppa soigneusement dans de longues couvertures ; on les mit au maillot, et chacun d’eux eut son garde-malade qui le soigna, le dorlota, veilla sur ses besoins, et de temps en temps le déshabillait pour examiner son état.

Il n’exista jamais d’homme aussi bien médicamenté ; d’un tel régime, un être raisonnable fût mort dans les trois jours ; les arbres eurent foi et furent sauvés. On vit naître de petits bourgeons verts, si petits d’abord que le cœur battit de crainte autant que de joie aux dix mille bourgeois flâneurs qui peuplent le Marais ; puis ces bourgeons grandirent, s’ouvrirent, se développèrent au soleil : les arbres avaient des feuilles.

Ce cri retentit d’une extrémité de Paris à l’autre ; il y eut des réjouissances publiques ; quelques maisons illuminèrent ; peu s’en fallut que le canon ne fût tiré, comme au jour d’une victoire. Je connais un rentier qui, pour la première fois de sa vie, garnit sa fenêtre d’un drapeau aux trois couleurs ; la reconnaissance avait changé ses principes ; il cria : Vive