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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

Napoléon ! avec tant d’enthousiasme qu’on menaça de le conduire au poste, menace qui le jeta dans une telle stupéfaction qu’aujourd’hui encore il ne peut raconter cette histoire sans demander à tous ceux qui l’entourent ce qu’on lui réservait au cas où il eût crié : Vive le roi !

L’administration avait triomphé, elle s’endormit dans le repos de sa conscience.

Depuis ce temps-là les arbres ont gardé leurs feuilles, mais ils n’ont point grandi, en sorte que c’est un spectacle des plus drôles que de voir ces végétations chétives, parsemées sur nos boulevards, imiter les véritables produits de la nature en dressant orgueilleusement leur petit ombrage vert qui pense sincèrement abriter les promeneurs contre les rayons du soleil. On dirait de ces longues allées que forment les enfants sur une table avec ces arbres de bergeries soutenus sur un fond de bois vert.

Quant aux marchandes de journaux, elles ont suivi le progrès général, non par elles-mêmes, ni par les feuilles qu’elles débitent ; il y a deux choses qui ne sauraient s’améliorer : la beauté des femmes et l’intelligence des journalistes. La réforme n’a attaqué que leurs maisons. Toute la France a connu ces sortes de cahutes en bois, imitées du tonneau de Diogène, et assez semblables aux huttes des cantonniers sur nos grandes routes. C’était épouvantablement laid, épouvantablement sale, mais la marchande s’y trouvait à son aise et ne se plaignait point : leurs têtes apparaissaient dans ce mauvais encadrement comme ces fronts de sorcières placés au fond des cheminées de village.

Là encore tout a changé de face : d’élégants pavillons vitrés ont remplacé les cabanes informes ; de riches couleurs se sont étendues sur ces pavillons, et le soir, à l’éclair d’un gaz intérieur, lancent aux promeneurs les tentations des annonces