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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

sous la forme de tous les rayons de l’are-en-ciel. Les vendeuses s’y pavanent, à peine troublées de l’éclat qui les environne, et les journaux, proprement rangés sous la vitrine, nous donnent, rien qu’à les voir, presque envie de les lire.

Est-ce que je ne viens pas de prononcer le mot d’annonce ?

Hélas ! il n’est que trop vrai ; la Réclame, ce monstre aux mille têtes, ce Briarée aux cent bras, la Réclame hideuse est ici comme elle est partout : rien de beau, rien d’élégant ne se crée qu’elle n’en prenne possession immédiate ; pas un lieu qu’elle n’ait envahi, pas un espace qu’elle n’ait dévoré ; il n’y a pas d’édifice où la conquérante n’ait posé son drapeau, point de cerveau qu’elle n’ait troublé, pas de regards qu’elle n’ait attirés ; il n’y a plus un seul mur, tant vierge dût-il être, que cette prostituée n’ait souillé de ses embrassements : fille de ce siècle, elle a grandi avec lui ; elle a infiltré son poison corrupteur dans toutes les parties du corps social : elle l’a gangrené, pourri jusqu’au cœur, et ne se reposera que le jour où elle en aura fait un cadavre.

Ô trompettes de la renommée, voilà donc comment s’est transformé votre airain !

La réclame, c’est-à-dire une ligne payée tant par lettre, voilà la gloire et la fortune, et plus on aura de fortune et plus on aura de gloire. La réclame, voilà le secret de la coulisse de tous nos comédiens ; voilà la ficelle qui tient sur le théâtre du monde toutes ces marionnettes qu’on appelle des célébrités. Malheur à l’homme de génie qui néglige d’encenser son autel ! malheur au commerçant qui ne lui demandera pas de crier ses louanges ! celui-ci périra dans la banqueroute,