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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

et hués, ils deviennent la risée de la classe, d’autant plus justement que le maître les donne pour modèles ; enfin ils sont forcés tôt ou tard d’imiter leurs condisciples pour ne pas être bannis des jeux en leur qualité de favoris de l’autorité : on sait s’il est au collège une plus grave injure.

Voilà comme on apprend à fumer. Il en est du cigare entre douze et quatorze ans ce qu’il en sera de la femme entre seize et dix huit.

Donc chacun commence par l’amour-propre et les nausées.

Et cependant tout le monde commence.

Lorsqu’on a commencé, on continue ; lorsqu’on continue, on goûte le plaisir pour le plaisir.

Je sais bien qu’il y a des gens qui s’écrieront : Oh ! ah ! eh ! et qui nieront ce plaisir ; ceux-là sont les élèves qui n’ont pas osé, les mignons du maître, des hommes qui seront un jour professeurs de seconde, avocats généraux ou ministres de l’instruction publique :


« Grands hommes, si l’on veut ; mais poètes, non pas. »

Je n’essaierai pas de prouver ce plaisir ; je n’ai pas nié qu’il ne fût absurde de fumer pour la première fois ; mais, cette vérité étant posée, j’en appelle à tous les fumeurs du globe pour prouver la seconde :

Il est une jouissance dans le cigare.

Quant aux médecins qui prétendent que nous abrégeons notre vie, de deux choses l’une, ou vous les croyez, ou vous ne les croyez pas.

Si vous ne les croyez pas, vous avez raison.

Si vous les croyez, qu’est-ce donc que vivre, sinon jouir ? Et ne vaut-il pas mieux vivre dix ans de moins, et jouir vingt fois plus ? D’ailleurs s’il fallait éviter tout ce qui abrège la