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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

On a fait son histoire…, dans combien de récits.

Victor Hugo n’a-t-il pas consacré sa gloire par la plus belle ode qui soit peut-être sortie de sa plume ?

Chaque année, à l’anniversaire de la mort du grand souverain, ne voit-on pas tous les vieux débris de l’époque sans pareille se traîner en chancelant, couverts d’antiques uniformes, vers la place où s’élève la statue de leur dieu, et déposer en pleurant une couronne sur son autel ?

C’est un noble souvenir ; c’est une gloire de la France.

Il est défendu de sourire devant cette colonne.

Et ce n’est pas tant la vue de ces fiers bataillons gravissant l’airain debout, nouvelle tour de Babel dont ils escaladent le faîte ; ce n’est pas non plus le souvenir de nos triomphes qui rend ce monument trois fois saint.

Ce n’est pas même le fer des canons étrangers qui ont servi son élévation.

C’est la statue de l’homme en redingote grise, sans couronne, qui domine Paris et le monde ; c’est l’image de cet empereur, élevé sur le pavois par le peuple, et foulant sous les pieds tous les souverains de l’univers.

Eux, leur diadème, leur cour, leurs armées, leur pouvoir, que sont toutes ces splendeurs à côté de ce vêtement usé, de ce chapeau vieilli, de cette pensée éternelle ?

Ils sont, mon Dieu ! ce qu’est le fait devant l’idée ;

Ce qu’est l’oppression devant la liberté.

Et voilà pourquoi cette colonne est grande ; car elle est la première borne posée par la déesse sur cette route brillante qu’elle trace au travers du monde.