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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

le dernier terme de la Bible, et la procréation est l’unique rôle qu’elle lui réserve dans la distribution des êtres. À ce compte, et en tirant les conséquences de ce principe, toute femme, dans l’antique société, devait être courtisane, car il ne pouvait y avoir d’autres différences entre elles, que celles établies par la nature dans les diverses manifestations de la beauté. La croyance en l’égalité des sexes, la régénération de la femme par le Christ, ont pu seules créer l’amour, et ce que nous appelons aujourd’hui l’amie, la compagne, l’épouse.

Qu’était-ce donc que la courtisane au temps de Périclès ? qu’était-ce que la courtisane sous Néron ?

C’était (cette définition étonnera peut-être les esprits ignorants, mais sera adoptée par les gens qui la pourront comprendre), c’était la femme que sa beauté, son caractère, son intelligence, la hauteur de ses sentiments rendaient supérieure à toutes les autres femmes, c’était la femme enviée, admirée, adorée, ayant sa cour d’hôtes illustres, et son hôtel de Rambouillet, où venaient se distraire des soucis de la vie publique les Périclès, les Socrate, les Alcibiade, les Cicéron, Horace, le pourceau d’Épicure, et jusqu’au chaste Virgile. La courtisane était plus encore ; seule fibre au milieu de ce troupeau d’esclaves qu’on appelait les mères de famille, elle n’avait point d’occupations réglées, point de devoirs à remplir, point de droits à respecter, bien loin d’appartenir à qui la désirait, elle ne distribuait ses faveurs qu’à des hommes, choisis le plus souvent parmi les illustrations de la patrie, en sorte que pouvoir se dire l’amant de Sapho ou d’Aspasie, était un titre d’honneur pour les plus grands de ses citoyens. Gloire, fortune, beauté et talents, la courtisane antique avait tout, et la libre disposition de ce tout ; les hommes qui ont étudié de près les sociétés grecque et romaine, comprendront par ce seul mot : libre disposition, quel empire suprême appar-