Page:Henri Poincaré - Calcul des probabilités, 1912.djvu/23

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INTRODUCTION, 17 P. 3 lorsque, dans les limites de cet intervalle, la probabilité reste sensiblement constante. Et pourquoi cette probabilité peut-elle être regardée comme constante dans un petit intervalle? C'est parce que nous admettons que la loi de probabilité est représentée par une courbe continue; et non seulement continue au sens analytique du mot, mais pratiquement continue, comme je l'expliquais plus haut. Cela veut dire que, non seulement, elle ne présentera pas d'hiatus absolu, mais qu'elle n'aura pas non plus de sail- lants et de rentrants trop aigus ou trop accentués. Et qu'est-ce qui nous donne le droit de faire cette hypo- thèse ? Nous l'avons dit plus haut, c'est parce que, depuis le commencement des siècles, il y a des causes complexes qui ne cessent d'agir dans le même sens et qui font tendre cons- tamment le monde vers l'uniformité, sans qu'il puisse jamais revenir en arrière. Ce sont ces causes qui ont peu à peu abattu les saillants et rempli les rentrants, et c'est pour cela que nos courbes de probabilité n'offrent plus que des ondu- lations lentes. Dans des milliards de milliards de siècles, on aura fait un pas de plus vers l'uniformité et ces ondula- tions seront dix fois plus lentes encore le rayon de cour- bure moyen de notre courbe sera devenu dix fois plus grand. Et, alors, telle longueur, qui, "aujourd'hui, ne nous semble pas très petite, parce que sur notre courbe un arc de cette longueur ne peut être regardé comme rectiligne, devra, au contraire, à cette époque, être qualifiée de très petite, puisque la courbure sera devenue dix fois moindre, et qu'un arc de cette longueur pourra être sensiblement assimilé à une droite. Ainsi ce mot de très petit reste relatif; mais il n'est pas relatif à tel homme ou à tel autre, il est relatif à l'état ac- tuel du monde. Il changera de sens quand le monde sera