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SAVANTS ET ÉCRIVAINS

multiple ; il n’avait pas la netteté et la sécheresse de contours de celui de Kant ; ce n’était qu’un devenir, ce n’était pas l’être, et sa soif métaphysique demeurait inassouvie.

Pour la question qui nous touche le plus, celle de l’immortalité, il restait désespéré, et celui qui avait dit :


Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux !
Ouverts à quelque immense aurore
De l’autre côté des tombeaux,
Les yeux qu’on ferme voient encore,


Écrivait maintenant : « Bientôt viendra le temps où je ne penserai plus ».

L’anthropomorphisme de certaines théologies lui faisait horreur ; donner à Dieu une âme d’homme, c’est lui donner une âme responsable, c’est l’accuser de tout le mal qu’il y a dans l’univers. Cependant le poète ne peut être qu’anthropomorphiste, car il lui faut des images ; de là entre le poète et le philosophe une lutte sans issue. « Dieu, s’écriait-il, c’est ce qui me manque à moi pour le comprendre. » Mais il cherchait Dieu.


Et sous l’infini qui l’accable
Prosterné désespérément,