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SAVANTS ET ÉCRIVAINS

figures qui l’avaient frappé dans les tableaux des musées qu’il visitait. On y remarque un sens délicat de l’expression et quelque habileté technique. En revanche, on dit qu’il n’était pas musicien ; c’est pourtant lui qui a écrit l’Agonie et un passage inoubliable du Bonheur.

Mais il était incapable de sentir sans réfléchir sur ce qu’il sentait. Il ne cessait d’interroger le peintre qui faisait son portrait. Comment telle touche légère, telle inflexion imperceptible de la ligne peut-elle modifier profondément l’expression et la physionomie ? Il n’est pas étonnant que si sensible à la beauté et si avide de comprendre, il nous ait laissé une théorie esthétique.

Dans le plaisir que nous causent les œuvres artistiques, il distingue deux éléments. Sans la joie que procurent aux sens les couleurs ou les sons quand ils sont purs et harmonieusement combinés, il n’y aurait pas de véritable beauté, et c’est pourquoi nul n’est artiste, s’il n’est doué au moins d’un sens excellent. Mais l’art n’est pas tout entier dans cette délicate volupté ! Son véritable objet est