garder sa théosophie pour le secret de ses écoles, et de prêcher publiquement à la masse les dieux qu’elle adorait déjà. Les brahmanes étaient l’élite : en ralliant autour d’eux viçnuites et çivaïtes, ils devinrent le nombre: dans ces conditions,- ils devaient vaincre. Ils vainquirent. Nous connaissons déjà leur dieu (p. 73): les deux autres, sous leur baguette magique, devinrent, comme lui, des symboles du Grand Tout; mais eux, ce n’était pas le sacerdoce qui les avait créés, ils sortaient inopinés des bas fonds du folklore.
Dans son panthéon lumineux, le Véda avait admis un dieu féroce et sanguinaire: Rudra (p. 13), l’incarnation de toutes les épouvantes. Le Rig-Véda ne mentionne guère son culte; mais le védisme postérieur en fait grand état, et il lui prodigue les épithètes flatteuses, Mahâdêva « le grand dieu » Içvara « le souverain », Mahêçvara, etc. Parmi ces sobriquets dont la terreur est prodigue, le plus tardif est Çiva « le propice », moins étrange à la réflexion qu’il ne paraît de prime abord : comme le dit la sagesse hindoue, « puisqu’il peut nous tuer, c’est lui qui nous fait vivre », et donc chaque instant de notre vie est un acte de sa merci suprême. Hideux, grinçant, le ventre noir, le dos rouge, secouant les chapelets de crânes humains qui pendent