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spacieuses et droites, en bordure desquelles les maisons, toutes marquées du même cachet de noblesse légèrement surannée, se rangent du même air de dignité et ont l’air d’attendre, dans l’ignorance des vacarmes de la carrosserie moderne, le retour des cavalcades seigneuriales d’autrefois. Par son ordonnance majestueuse, par sa tenue, qu’on sent qu’ont réglée de vieilles traditions patriciennes, la ville de Fontainebleau se distingue, au premier aspect, de la généralité des villes françaises ; et, dans sa physionomie, un observateur un peu subtil reconnaît aisément les traits par quoi elle se singularise aussi parmi les villes grandies comme elle dans la dépendance d’une résidence royale.


C’est Fontainebleau ainsi défini qui est l’objet de l’étude historique réalisée en ce livre.

Fontainebleau a ceci de particulier qu’on surprend le moment de sa naissance et qu’ensuite on observe, en toute clarté, les phases de son adolescence. Le chapitre initial de son histoire peut être établi, non pas comme cela se passe en des cas semblables, par le raisonnement logique, sur les hypothèses qu’autorise l’analogie, mais d’après des témoignages formels ou, tout au moins, en tirant de données certaines les conséquences qui en découlent nécessairement. On sait quelle en fut la première maison, et, dès lors, on relève à leur date, comme sur les carnets d’attachement d’un entrepreneur soigneux, les constructions qui vinrent s’ajouter à celle-là.

D’ailleurs, il ne faudrait pas que la date récente à laquelle Fontainebleau apparaît dans l’histoire nous trompât sur les conditions de son avènement. Fontainebleau n’est pas, comme on serait porté à l’imaginer, un produit factice et gratuit, l’ouvrage du bon plaisir de tel ou tel roi de France, une sorte d’improvisation urbaine, du genre des villes neuves et des bastides que les seigneurs féodaux édifiaient, de propos délibéré, pour les besoins de leur politique, ou bien encore comme cette ville de Richelieu qu’un caprice ambitieux du tout-puissant cardinal fit surgir d’un seul coup de la plaine angevine et dont le plan, dans sa rectitude intransigeante, manifeste avec tant d’évidence la doctrine esthétique de son auteur. Fontainebleau se forma progressivement, de la même manière que se formèrent, sans doute, la plupart des centres que nous habitons, selon des lois, dirait-on, si le mot n’était d’un emploi scabreux lorsqu’il s’agit d’ex-