Page:Heredia - Discours de réception, 1895.djvu/13

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La première jeunesse de M. de Mazade dut être bien heureuse, si j’en crois l’amour qu’il garda jusqu’à la mort à sa chère maison de Flamarens où il était venu tout enfant. C’était la maison maternelle. Au cours de ses voyages et d’une vie prise par un travail sans relâche, sur les routes d’Espagne et d’Italie, du fond de ce grand Paris où le devoir le retenait, que de fois n’a-t-il pas dû se redire, en souriant à des rêves de retour au pays, ces vers délicieux de Ronsard :


Bref, quelque part que j’erre,
Tant le ciel m’y soit doux,
Ce petit coin de terre
Me rira par-sus tous.


Flamarens est un très petit village du Gers, sur une côte que domine un château féodal. Au bord de la route, presque au pied du donjon, s’ouvre le logis familial, assez vaste pour être aisément hospitalier. Derrière, le jardin avec ses mille rosiers, et, le long de la pente, une vigne, un pré que clôt un ruisselet bordé de peupliers. Et c’est tout. Ce tout a quelques arpents. « Un petit bien de médiocre étendue qui occupe plus qu’il ne préoccupe. À un lettré tel que lui, ce qu’il faut c’est juste assez de terre pour délasser l’esprit et réjouir les yeux ; la même promenade par le même sentier, une vigne dont il connaisse chaque cep et des arbres dont il sache le compte. » Je crois entendre votre aimable confrère en vous traduisant cette jolie lettre de Pline. Toujours, dans tous les temps, le sage a fait le même rêve.