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Page:Hermant, Le Frisson de Paris 1895.djvu/16

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Ils se félicitèrent que cet incident, humiliant pour leur orgueil d’écurie, se fût produit loin de tout regard compétent, dans un quartier arriéré : rue Jacob, à la porte d’un hôtel meublé.

Grégory sauta sur le trottoir, pesamment. Il était grand et gras, d’une frappante beauté plastique, et comme on n’en rencontre plus de telles que dans les races d’Orient : mais la nature y fabrique des statues à la grosse, et ce n’est pas y être distingué, que n’être que parfaitement beau.

Par un privilège rare, cette beauté d’antique ne se perdait point sous le costume moderne. Seulement, certaines particularités de la tenue en accentuaient certains des caractères jusqu’à un soupçon de caricature. Ainsi, son nonchaloir asiatique se traduisait, en s’encanaillant, par le déboutonnage de l’ample redingote, par le nœud trop lâche du trop vaste plastron de la cravate claire, par le rejet du chapeau haut de forme jusqu’à la racine des cheveux. Ses vêtements étaient, comme sa personne, trop remarquables.

Il ne pouvait adresser la parole au premier venu sans recueillir d’abord, avant toute réponse, l’hommage d’une admiration muette, qui ne s’arrêtait qu’en dernier lieu à son visage, qu’il avait aussi fort beau, malgré en encadrement de cheveux trop noirs, trop soyeux, trop touffus et trop peignés.

Ses yeux magnifiques n’auraient paru, ainsi que son corps sans tare, qu’une banalité de l’Orient,