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MAJOGBÉ.

sorciers de l’Oya pour faire à nos dieux de l’Oluman des outrages que je ne pourrais dire sans être moi-même tué. À-t-il mérité la mort ?

Des clameurs s’élevèrent. Une longue imprécation de mort tomba sur l’homme, qui s’était redressé avec ses chaînes et, les yeux faits au soleil, regardait fier la foule hurlante. Il cria :

— J’étais trop riche, trop puissant. Et je ne volais pas. Voilà mon crime. Voilà pourquoi vos chefs m’ont pris mes richesses et vont me tuer. Et vous, lâches, vous me condamnez. Un jour je serai vengé !

Mais sa voix se perdait dans le tumulte. L’enfant seul entendait. Il se pendait à l’homme ; il l’embrassait ; il lui disait :

— Moi, moi, je te vengerai… Et puis je ne veux pas qu’ils te tuent.

Et il se ferrait lui-même à la chaîne.

Les esclaves des prêtres maintenaient la foule. On se battait, on s’assommait. Des lames de sabres brillaient. Du sang coulait.

L’Ologho avait pénétré dans la case des Ogbonis d’où jamais homme qui n’est initié au neuvième degré ne sort vivant. Les sectaires au sac de cuir étaient sur le seuil. Ils disaient au condamné :

— Entre. Entre librement. Tu peux encore te défendre.

Ils crurent voir que Kosioko essayait de manger quelque chose ; ils eurent peur qu’il ne prit le poison. Ils se jetèrent sur lui, le renversèrent et le trainè-