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MAJOGBÉ.

enlevé. Vous avez mis chez vous mes esclaves, mes filles, mes femmes… Que voulez-vous de plus ? Ma vie ? Tuez-moi tout de suite !

— Dis-nous quels hommes te doivent… Tu vois bien que tu as encore des richesses et que tu pourras échapper au châtiment.

— Au châtiment ! Je ne suis pas coupable. Tuez-moi. Je ne dirai plus rien.

— Et il se coucha sur le ventre, le front contre terre, les bras en croix.

Au dehors, le peuple s’impatientait, criait la mort. On lui avait promis une victime. Il l’attendait. Il l’exigeait. Il la réclamait. Les sifflements d’Oro coupaient les hurlements.

Les esclaves passèrent un lacet au cou du condamné. Le petit Majogbé s’était élancé, les ongles en avant, pour défendre son père. Il avait crié : « Vous êtes des lâches, des bandits, des voleurs, des assassins. Vous ne le tuerez pas. Je ne veux pas. Malheur sur vous ! » Assommé par un coup de poing il avait roulé derrière l’autel, et l’on ne s’était plus occupé de lui.

Le lacet des bourreaux n’était pas assez fort. Il imprima un sillon profond dans les chairs et cassa. Kosioko n’avait pas remué. À peine un soupir avait-il secoué sa poitrine. Les bourreaux n’avaient pas d’autre lacet. Comme le sang ne devait pas