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MAJOGBÉ.

que tu comprends. Tu n’es pas un morceau de caillou et moi je sais parler mieux qu’un bœuf au pâturage. Tu comprends, inutile de me le répéter ; dis-moi plutôt ce que tu penses !

— Je pense que je comprends, répondait Majogbé aux sermons du marabout.

Banyane venait quelquefois vendre des akaras aux artisans qui avaient établi leurs ateliers près du temple des chanteurs de prières au levant. Ainsi appelait-elle les hommes jaunes qui chaque jour, le matin et le soir, l’égayaient quand, au milieu d’une enceinte de cailloux, ils allaient s’incliner, s’agenouiller, se prosterner en chantant et en adorant quelque chose du côté de l’Orient. Elle y venait aux heures où elle savait rencontrer Majogbé. Ce dernier lui dit un jour :

— Écoute, Banyane, ce que raconte Fuluani, comment sont les femmes dans son pays, là-bas, loin, chez les grands rois. Lorsque le roi a pris une femme, celle-ci doit toujours rester enfermée, toujours être voilée, et nul autre homme que le roi ne peut apercevoir son visage. Ce serait une chose très mauvaise et qui mériterait la mort. C’est pour cela que jamais femme du pays de Fuluani ne vint ici. Fuluani veut que je sois un adorateur de son dieu. Si je l’écoutais, si je devenais un homme puissant et si alors je t’épousais, je devrais t’enfermer, te cacher. Tu ne danserais plus avec les femmes dans les fêtes, tu n’irais plus aux champs,