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cela violemment, une trombe de feu s’élança avec fracas, et, suivant une direction précise, s’abattit, avec une fureur inouïe, sur la cité sans défense et sur les quartiers environnants.

Moment indescriptible ! Écrasement vertigineux, puisque pour changer en cendres toute une région verdoyante, pour abîmer dans les flammes tous les navires mouillés en rade, pour coucher dans la mort plus de trente cinq mille victimes humaines, quinze minutes ont suffi !!!

Ô chère Martinique, la matinée du 8 mai 1902 restera à jamais ineffaçable dans les annales de tes infortunes !

On dit même que la montagne homicide, comme si elle avait eu honte de sa foudroyante victoire, s’est affaissée sur ses bases, et a perdu les deux tiers de sa fière altitude !

La plume Nous tombe des mains, N. T. C. F., et Nous Nous demandons si Nous ne devons pas la briser, après un tel récit.

Ah ! il nous faudrait un autre Jérémie, pour dépeindre ce désastre sans précédent qui ne peut se comparer qu’à la ruine de Sodome, sans qu’il ait eu pourtant les mêmes causes déterminantes ; il nous faudrait le chantre inspiré du malheur pour nous dire comme autrefois : « J’ai vu les montagnes, et elles tremblaient ; j’ai vu les collines, et elles étaient toutes ébranlées ; j’ai jeté les yeux autour de moi, et je n’ai point trouvé d’hommes, et tous les oiseaux même du ciel s’étaient retirés ; j’ai vu les campagnes les plus fertiles devenues un désert, et toutes les villes détruites devant la face du Seigneur. » « Comment cette ville si pleine de peuple est elle maintenant solitaire et désolée ? » — « Ô vous tous qui passez sur le chemin, arrêtez-vous, et voyez s’il est une affliction semblable à la mienne ! » — « Souvenez-vous, Seigneur de ce qui nous est arrivé. » — « Nous avons acheté l’eau à prix d’argent. » — « Nous avons cherché du pain jusque chez l’étranger, et notre peau s’est brûlée au contact du feu. »