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charge de faire prendre patience à grand’mère. Je crois que, s’il arrivait malheur à son petit-fils bien-aimé, elle n’y survivrait pas. »


Thérèse et Yucca restèrent un moment perplexes après avoir lu. Devait-on faire part du seul post-scriptum à Hervé ? Mieux valait-il lui mettre sous les yeux ce long journal, malgré les pointes à son adresse ?

« Malgré, et même… à cause… fit Yucca, après avoir pesé le pour et le contre. Il faut que de Kosen soit édifié sur la discrétion de ses fils.

— Et puis Claire se montre sous un jour si imprévu et si favorable, somme toute… »

Ils se regardèrent en riant, s’étant compris. Convoqué pour communication urgente, Hervé accourut. Il amenait Lilou et Pompon, invités à jouer avec Fernande.

« Ton petit bleu m’a inquiété, mon cher », fit-il en regardant Yucca. Mais la physionomie amusée de ce dernier ne laissait place à aucune supposition alarmante.

« Qu’y a-t-il donc ? demanda Hervé déjà rasséréné.

— Thérèse te le dira.

— J’ai à vous communiquer des nouvelles d’Arlempdes », annonça la jeune femme, quand on fut installé dans l’atelier où l’on recevait toujours de Kosen, sachant que cette pièce avait ses préférences.

Et, lui présentant la lettre de Claire :

« Vous pouvez tout lire. En dehors du post-criptum, plusieurs passages vous concernent. »

Dès les premières lignes, Hervé manifesta sa surprise. Était-ce vraiment la petite cousine qui parlait ainsi ? Il ne pouvait le croire. Soudain il laissa échapper une exclamation de dépit.

Thérèse et Yucca, qui suivaient sur les traits de leur ami ses impressions successives, retinrent mal un sourire, à l’entendre s’écrier :

« Oh ! les bavards ! Oh ! les enfants terribles ! Je vais les punir sur l’heure. Avoir raconté à leur tante… Malgré ma défense… C’est trop fort ! »

Thérèse plaida les circonstances atténuantes. Mais Yucca intervint en riant :

« Laisse-le faire ; je connais sa sévérité, rien de bien redoutable ! »

On fit comparaître les délinquants. Et, aussitôt, se composant un visage de juge, Hervé leur demanda :

« Vous avez donc dit à votre tante Claire ce que je vous avais interdit de lui répéter ?

— Quoi nous lui avons dit ? s’informa Lilou.

— Que je ne voulais pas qu’elle fut votre maman.

— C’est pas moi, papa, c’est Pompon.

— Pas vrai, c’est toi. »

Hervé, qui connaissait les suites accoutumées de pareilles discussions, avait emprisonné les quatre petites mains dans les siennes.

« Allons, insinua-t-il, conciliant, avouez-le, c’est tous les deux. »

Ils firent de la tête un signe affirmatif.

« Pourquoi m’avez-vous désobéi ? »

Point de réponse.

« Eh bien, mes amis, vous aurez amené ce résultat que votre tante est fâchée contre moi et qu’elle me défend d’aller à Arlempdes ; par conséquent, vous n’y retournerez pas non plus.

— Hi… hi… hi… commença Lilou.

— Heu… heu… heu… » continua Pompon.

Et soudain, comme si leurs gosiers se fussent accordés dans ce prélude, ils se mirent à crier avec ensemble de toute la force de leurs poumons.

De Kosen laissa s’écouler une minute ; il guettait l’instant où la nécessité de reprendre haleine interromprait le duo.

Saisissant au vol la pause attendue :

« Voyons, prononça-t-il, dites-moi la vérité. Comment lui avez-vous servi cela ? J’ai besoin de le savoir pour faire notre paix avec elle. »

Ils se consultèrent du regard.