Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 1.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
448
introduction.

matière qui gêne l’économie animale ; c’est toujours en l’écartant qu’on détruit les maladies ; c’est toujours le même moyen que la nature emploie pour y réussir, c’est-à-dire la coction, le changement de la matière crue en un état où elle ne puisse nuire, et où l’évacuation s’en fasse sans danger ; aussi toute affection qui n’est pas susceptible de cette altération est réputée incurable ; par exemple le cancer.

Tel est le sens, telle est la portée de la doctrine d’Hippocrate sur la coction. Et on peut faire à ce sujet des réflexions importantes sur la marche des sciences, et un rapprochement curieux avec les doctrines qui prévalent encore de nos jours. Cette théorie d’Hippocrate a un point de contact remarquable avec celle que les recherches de l’anatomie pathologique ont suggérée récemment à quelques esprits. Très différente dans les conséquences, elle part d’un principe commun, qui est, qu’il n’y a point d’affection sans altération matérielle. Suivant Hippocrate, l’altération consiste dans une humeur qui trouble l’économie animale ; suivant les explications de l’école qui a voulu se fonder uniquement sur l’anatomie pathologique, elle consiste dans une lésion appréciable des organes : de telle sorte qu’au point de départ et à un terme bien éloigné, la médecine roule sur le même principe. L’idée de maladie sans matière, comme l’ont entendue certaines écoles, est étrangère à Hippocrate. J’essayerai, dans l’Argument du traité de l’Ancienne médecine, d’expliquer ce qu’on pourrait appeler le vitalisme du médecin de Cos. Il l’a conçu, je le dis d’avance, dans sa réalité, et avec autant de force que de profondeur.

Je ne puis encore ici m’empêcher de considérer la coction sous une autre face, et de la rapprocher d’un autre point de la médecine moderne. La coction est, pour plusieurs maladies, aiguës ou chroniques, dans la science hippocratique,