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Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 1.djvu/581

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argument.

portance. De là la recherche attentive des jours critiques, et les calculs qu’Hippocrate, en divers endroits de son livre, a fondés sur cette considération. Galien assure que la priorité de la doctrine de la crâse appartient à Hippocrate ; en cela il se trompe, nous venons de le voir, mais il ajoute que cette doctrine distingue Hippocrate d’Empédocle, et que ce dernier, attribuant, il est vrai, la composition de notre corps et de tous les corps situés autour de la terre aux mêmes quatre éléments, l’attribue, non au mélange de ces éléments, mais à leur juxtaposition dans leurs parties les plus ténues[1]. Hippocrate différait donc d’Empédocle en un point essentiel. De là vient la réprobation dont il l’a frappé dans une phrase du traité de l’Ancienne médecine, phrase qui manque dans tous les imprimés, et dont je dois l’importante restitution à un manuscrit.

C’est dans le cours de l’exposition de son système que, s’interrompant tout-à-coup, il consigne une grande pensée, qui est le résumé de toute sa philosophie sur la science de la vie, à savoir, que, pour étudier le corps humain, il faut l’étudier dans ses rapports avec toute chose. Cette pensée a été relevée et citée par Platon, et c’est sous l’inspiration du philosophe et du médecin que Pascal a dit : « Les parties du monde ont toutes un tel rapport et un tel enchaînement l’une avec l’autre, que je crois impossible de connaître l’une sans l’autre et sans le tout. »

Les philosophes et médecins combattus par Hippocrate, étudiant le corps humain en soi, déduisaient tous les changements qu’il subit de la considération d’une seule propriété ; et ils tiraient cette déduction en vertu d’une doctrine assez semblable à celle de certains médecins de nos jours qui ont expliqué toutes les maladies par les lésions anatomiques. Au contraire, Hippocrate regarde le corps vivant comme une substance dont les propriétés ne peuvent être déterminées à priori, ni en vertu, disait-il alors, de la composition du chaud,

  1. T. V, p. 8, Éd. Basil.