Page:Hippocrate - Œuvres complètes, traduction Littré, 1839 volume 2.djvu/17

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loin. Socrate dit, en parlant de lui-même et d’Hippocrate, fils d’Apollodore : Nous sommes encore jeunes, de sorte que nous ne pouvons trancher une question aussi importante [1]. Et, en effet, dans tout le reste du dialogue, Protagoras s’exprime comme parlant à des gens beaucoup plus jeunes que lui, puisqu’il leur dit : Il n’y en a aucun parmi vous dont je ne serais le père [2]. Mais en 430, époque supposée du dialogue, Socrate avait quarante ans, et à cet âge il ne pouvait guère se dire encore jeune, ἔτι νέος. Il faudrait donc pouvoir supposer que le dialogue s’est tenu une dizaine d’années auparavant : mais alors Alcibiade n’aurait pas eu le menton garni de barbe, car il n’eût été âgé que d’une huitaine d’années. IL me paraît donc qu’il y a eu ici de la part de Platon une certaine confusion de dates, et qu’il aurait dû représenter Socrate moins jeune, s’il voulait représenter Alcibiade à l’âge de dix-huit ans. Dès lors rien ne nous garantit plus qu’il ne faille admettre une pareille latitude pour la mention d’Hippocrate, et nous ne sommes plus autorisés à attaquer avec cet argument le dire précis de Histomaque et de Soranus de Cos [3].

  1. Ἡμεῖς γὰρ ἔτι νέοι, ὥστε τοσοῦτον πρᾶγμα διελέσθαι, t. 2, p. 143, ed. Tauchn.
  2. Οὐδενὸς ὅτου οὐ πάντων ἂν ὑμῶν ϰαθ’ ἡλιϰίαν πατὴρ εἴην, t. 2, p.148.
  3. Je rappellerai à l’appui de ces remarques que Wolf (Introduction au Banquet de Platon, traduction française, par L. de Sinner, p. 15 et 16, Paris 1834) a expliqué en détail un anachronisme qui se trouve dans ce Dialogue. Aristophane, dans le discours que Platon lui prête, fait mention de la destruction de la ville de Mantinée par les Lacédémoniens. Cette destruction est de la dernière année de la 98e olympiade (384 avant J.-C). La victoire scénique d’Agathon, occasion du banquet, est de la dernière année de la 70e olympiade (417 avant J.-C). Par conséquent, la destruction de Mantinée est postérieure de plus de 30 ans au banquet d’Agathon ; et, quand celte ville fut ainsi ruinée, Alcibiade était mort depuis dix-neuf ans, Socrate depuis quinze. Voyez de plus sur les anachronismes des dialogues de Platon en général, et ceux du Protagoras en particulier, l’ouvrage de M. Ast, Platons Leben und Schriften, p. 74-82.