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Page:Hirsch - Un vieux bougre, 1908.djvu/61

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UN VIEUX BOUGRE

j’demandais, bon Dieu !… Quand j’lai eu vu qui pleurait pour moi… ça m’a r’tournée… et j’était contente d’pas êt’morte !…

Elle était silencieuse. Gaspard murmura :

— Ça, c’est des moments… faut y avoir passé…

Elle reprit :

— Quand y n’pouvait pas v’nir, j’allais à la caserne… On s’embrassait à travers la grille… comme on pouvait… Un’fois qu’y montait la garde, j’ai été le r’trouver dans sa guérite… Son temps fini, y n’a pas pu r’tourner au pays… on s’aimait trop… C’est là qu’on s’a mis ensemb’… J’travaille… Y bricole comme y peut… y fait tout c’qu’y trouve… Ah ! j’n’aurai plus qu’lui !… On crèv’rait plutôt d’faim tous les deux, j’vous l’jure !… Et pour commencer, on bouff’pas tous les jours son comptant… On s’aime… on peut pas tout avoir !…

Son corps nerveux était parcouru d’ondes et l’élargissement des pupilles noircissait son regard fixe. Le paysan soupira :

— L’amour, c’est l’meilleur… va, ma fill’, t’y trompe point !