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Page:Histoire anonyme de la première croisade, trad. Bréhier, 1924.djvu/13

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inique » ou « le misérable empereur », et il l’accuse, ainsi que ses dignitaires, de trahison contre le peuple chrétien.

Enfin il a le sentiment très vif de la chrétienté, communauté supérieure à toutes les races et à tous les peuples. Sa carte d’Europe est d’ailleurs sommaire et il ne distingue des Francs proprement dits, qui représentent l’ensemble des Occidentaux, que les « Longobards », les Allemands et les Français du nord (Francigenae). Tel est le chroniqueur : bien qu’il ait gardé l’anonyme, sa personnalité très accusée et très vivante perce à travers son récit ; mais, comme nous allons le voir, la composition même de son œuvre nous oblige à rechercher s’il n’a pas eu un collaborateur.

II.L’œuvre.

1. La composition. — La composition en effet est loin d’être uniforme et l’on y distingue nettement quatre éléments distincts :

1o La narration du chevalier anonyme, témoin oculaire des événements qu’il raconte, en forme la partie essentielle. Si l’on néglige les digressions et interpolations que nous allons signaler, on trouve dans ce texte un récit bien lié des événements, depuis le moment où Bohémond prend la croix jusqu’à la bataille d’Ascalon. Certaines parties, comme le récit de la traversée de la Bulgarie (chap. IV), de l’Asie Mineure (chap. X et XI) ou de la Palestine (chap. XXXIV-XXXVII) laissent l’impression d’un journal de marche, parfois même un peu sec ; d’autres, au contraire (sièges de Nicée, Antioche, Jérusalem), sont des narrations composées à loisir, et l’on y trouve des lacunes et même des erreurs. Dans l’ensemble le récit est fidèle et précis ; les dates, nombreuses, sont exactes et confirmées par les autres sources.

2o À cette narration vivante et rédigée sous l’impression